40 ans de géopolitique du pétrole et du gaz
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Les guerres du Moyen-Orient, les crises financières en Asie et aux États-Unis, les troubles politiques dans les pays producteurs : autant de facteurs politiques et militaires étroitement imbriqués avec les évolutions des marchés du pétrole et du gaz. Une chronologie depuis 1973.
© MICHEL GANGNE - AFP - L'intime connexion entre énergie et géopolitique. Ici, l'incendie des puits de pétrole lors de la guerre du Koweit en juin 1991.
Octobre 1973 – Guerre du Kippour - La guerre du Kippour entre Israël et les pays arabes déclenche le premier « », une expression forgée par les pays consommateurs. L’ déclare un boycott des « pays qui soutiennent Israël » : on parle alors de « l’arme du pétrole ». Les prix du brut sont multipliés par 4, passant de moins de 15 à plus de 50 dollars le (en dollars 2011 constants).
1974-1980 – La riposte des pays consommateurs – Après des mesures d’économies et de rationnement - situation inédite dans un monde occidental habitué à la croissance -, les pays consommateurs réagissent en développant d’autres énergies, comme le nucléaire. La crise a aussi pour effet la mise au point de technologies nouvelles qui, sans cela, auraient mis plus de temps à émerger : relance de champs matures aux États-Unis, exploitation en mer du Nord, etc. Il y a alors une hausse mondiale de la production de pétrole en dehors de l’Opep. L’Agence internationale de l’énergie (AIE) est créée en 1974, initialement pour défendre les intérêts des pays consommateurs de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).
1980 – 1981 – Révolution iranienne - Sous les effets conjugués de la révolution iranienne, du début de la guerre Iran - Irak et du redémarrage de la demande mondiale, le prix du pétrole est multiplié par deux entre la mi-1978 et 1981, passant de 50 dollars à 100 dollars le baril. C’est le deuxième choc pétrolier, mais la demande réagit cette fois à la baisse et les technologies continuent de se développer, si bien que les cours redescendent dans les années suivantes.
1986 – L’année noire de l’Opep - La production continue d’augmenter dans les pays hors-Opep et cette organisation se trouve à partir de 1985 devant une situation intenable. Après avoir baissé à de nombreuses reprises sa production pour tenter de stabiliser les prix qui s’effondrent, l’Arabie Saoudite change brusquement d’orientation : elle annonce en décembre 1985 qu’elle vendra son brut librement sur le marché, sans restrictions, dans l’espoir de regagner des parts de marché perdues. Les prix s’effondrent jusqu’à une trentaine de dollars le baril. C’est le « contre-choc pétrolier ». Fin 1986, l’Arabie Saoudite met fin à cette offensive ratée et accepte que l’Opep rétablisse des quotas de production.
Septembre 1980 – août 1988 – La longue guerre Iran – Irak - Deux pays fondateurs de l’Opep mènent une guerre interminable, qui fera près d’un million de morts et causera des destructions énormes dans les installations pétrolières. Les causes en sont multiples, mais l’une d’elles est la volonté de l’Irak d’accroître son ouverture sur le Golfe pour faciliter ses exportations de pétrole.
Août 1990-1991 – L’invasion du Koweit par l’Irak - Le prix du pétrole est l’une des causes fondamentales de la première guerre du Golfe, déclenchée par l’Irak à peine sorti de son conflit sanglant avec l’Iran. Menacé directement par le Koweit d’une nouvelle pression à la baisse sur les prix du pétrole, l’Irak envahit l’émirat. Une coalition internationale oblige les armées irakiennes à se retirer. Si le régime reste en place, des sanctions très sévères sont prises contre l’Irak : c’est le programme « pétrole contre nourriture » qui durera jusqu’à la deuxième guerre du Golfe de 2003.
1998 – La crise financière en Asie. Personne, y compris l’Opep, ne voit venir la crise financière en Asie. Ayant augmenté sa production en 1997, l’Opep est touchée de plein fouet par la crise et les prix tombent à leur plus bas historique, à moins de 20 dollars le baril. L’Opep réagit en réduisant fortement sa production mais les conséquences sont désastreuses pour de nombreux pays producteurs de pétrole, avant que les prix se redressent.
Fin des années 1990 – L’essor du GNL - Le s’impose comme une composante essentielle des marchés énergétiques. Croissant d’environ 7 % par an entre 2000 et 2012, il représente aujourd’hui quelque 10 % de la consommation de gaz dans le monde. Echappant aux contraintes des lignes fixes terrestres, car transportable par , il instaure un nouveau marché spot du gaz, à côté des contrats de long terme entre deux pays.
Mars-avril 2003 – La deuxième guerre du Golfe – Au lendemain des attentats du 11 septembre 2001, les États-Unis interviennent en Afghanistan puis accusent le régime de Bagdad de soutenir les terroristes d’Al-Qaïda et de détenir des armes de destruction massive. À la tête d’une coalition internationale moins large qu’en 1990, les États-Unis occupent l’Irak et détruisent massivement ses infrastructures (ponts, stations d’épuration d’eau, centrales électriques…). La production irakienne d’hydrocarbures devient proche de zéro. Malgré la guerre, les prix du pétrole ne s’emballent pas grâce à l’intervention de l’Opep. Les prix du pétrole augmentent de manière significative en 2004.
À partir de 2007 - La « révolution » du - L'exploitation à grande échelle des hydrocarbures de schiste démarre aux États-Unis lorsque le prix des hydrocarbures conventionnels s'est rétabli durablement en raison de la hausse de la consommation énergétique mondiale. C’est le début de la « révolution du gaz de schiste »
2007 - 2008 – Une spirale de hausses de prix - Des grèves au Venezuela, des arrêts de production au Nigeria, et d’autres événements localisés provoquent une baisse de la production mondiale. Inversement, la demande s’envole avec d’une part la politique américaine de réductions d’impôts et d’autre part le décollage de la Chine et d’autres pays émergents. La spirale de hausses des prix est impressionnante : le cours du passe de 96 dollars en janvier 2008 à 144 dollars le baril en juillet de la même année.
Été 2008 – La bulle immobilière éclate aux États-Unis - L’effondrement du système bancaire américain s’étend au reste du monde, déclenchant une crise économique sans précédent depuis celle de 1929. La demande mondiale de pétrole se contracte, baissant de 0,3 % en 2008, ce qui est la première contraction depuis 1982 - 1983. Ce mouvement intervient alors que l’Opep venait d’augmenter sa production. Résultat : le prix du baril retombe à 35 dollars.
2009 – 2014 – Les « printemps arabes » - Les menaces de l’Iran de bloquer le détroit d'Ormuz, une voie de transit stratégique pour les pétroliers, et les « printemps arabes » dans plusieurs pays producteurs déstabilisent les cours. S’y ajoutent les effets de la croissance forte dans les pays émergents. Les cours montent de façon continue, produisant un effet de tassement dans la croissance mondiale. Certains experts parlent d’un « choc pétrolier rampant ».
Été 2014 – début 2015 – La poursuite de l’essor des hydrocarbures non conventionnels aux États-Unis finit par inquiéter l’Arabie Saoudite qui perd des parts de marché. Elle fait pression sur les prix du baril pour tenter de réduire la rentabilité des producteurs américains. Dans le même temps, un ralentissement de la croissance en Chine et des crises dans divers autres pays, comme le Brésil, provoquent un relatif ralentissement de l’augmentation de la demande. Ces facteurs se conjuguent et le baril qui restait largement au-dessus de 100 dollars depuis 2011 retombe début 2015 autour de 60 dollars.
2015 – début 2016 – La crise perdure en raison du « bras de fer » entre l’Arabie Saoudite et les producteurs américains de gaz de schiste qui maintiennent le haut niveau de leurs productions. Même si la consommation en 2015 progresse de 1,6 million de barils par jour, pour atteindre 94,2 mbj selon les prévisions de l’AIE, l’excédent de production reste très élevé et les prix du baril continuent de baisser. En janvier 2016, le prix du Brent passe sous la barre des 30 dollars le baril.