Le stockage d'énergie par volant d’inertie
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Le stockage d'énergie par volant d'inertie1 consiste à emmagasiner de l’ grâce à la rotation d’un objet lourd (une roue ou un cylindre), mu généralement par un moteur électrique, et à restituer ensuite cette énergie en utilisant le moteur en sens inverse comme générateur d’ .
© François NASCIMBENI / AFP - Un volant à inertie LEVISYS, permettant de stocker l'électricité grâce à un ancien système de tour de potier à Troyes.
Une longue histoire
Le principe est très ancien. Depuis l’Antiquité, les tours de potier comportent un disque en bois qui permet de réguler et faciliter le mouvement, qui est donné dans ce cas par le pied de l’artisan. Beaucoup de machines à vapeur du XIXe siècle en étaient dotées. Dans les années 1920, certains tramways belges ou suisses avaient sous leur plancher de lourds disques de fonte de plus d’une tonne qui leur permettaient d’aller d’une station à l’autre sans courant. Le disque était remis en mouvement par connexion au réseau électrique à chaque station. A toute petite échelle, les jouets à friction utilisent le même principe.
Le stockage inertiel fait aujourd’hui l’objet de nouveaux développements. Le stockage de l’électricité est devenu un enjeu stratégique pour répondre à l’intermittence des énergies éolienne et solaire. Les progrès technologiques sur les matériaux et les moteurs permettent des systèmes plus compacts et efficaces.
Le fonctionnement d’un volant d’inertie
Un système de stockage par inertie moderne (en anglais flywheel) se présente généralement sous forme d’un cylindre hermétique, dans lequel le vide a été fait pour éliminer la résistance de l’air2. Le volant est souvent constitué de matériaux nouveaux (fibres de carbone ou de verre, kevlar) qui résistent mieux que les métaux traditionnels aux très hautes vitesses. Celles-ci dépassent 10 000 tours minute, avec une sustentation magnétique afin de réduire les frictions.
Quand le volant tourne à sa vitesse maximale, on récupère son énergie cinétique3 en utilisant le moteur comme générateur d’électricité, ce qui réduit progressivement la vitesse de rotation.
Avantages et inconvénients
Les avantages
- un haut rendement puisque 80% de l'énergie absorbée peut être restituée,
- une mise en route puis une restitution d’énergie très rapide,
- aucune pollution et une durée de vie très longue.
Un inconvénient majeur
- le temps de stockage limité, autour de 15 minutes. Il faut donc une utilisation très rapide et ponctuelle.
Le stockage par inertie est donc surtout utilisé pour la régulation et l’optimisation d’un système, et non pour assurer une longue durée d’autonomie, comme les batteries ou le turbinage hydraulique.
L’exemple des métros
Le poids important des rames de métro fait qu’elles libèrent beaucoup d’énergie en freinant et en absorbent autant en accélérant. Plusieurs réseaux (Hanovre, Hambourg, Los Angeles, Rennes) ont recours au stockage par inertie.
A Rennes par exemple, une sorte de grosse toupie pesant 2,5 tonnes a été installée au centre d’une ligne de 8 km. Quand une rame ralentit, l’énergie de freinage, au lieu d’être dissipée en , est transformée par le moteur de la motrice en électricité. Transportée par le câble de la ligne, elle augmente la vitesse de rotation du volant. Quand une rame redémarre, elle récupère l’énergie du volant. Un bon cadencement des rames et un système numérique « intelligent » permettent de bien coordonner les flux d’énergie. Le métro de Rennes économise ainsi sur l’année une dizaine de jours de consommation.
Les systèmes sur automobiles
Sur les petits véhicules, le stockage se heurte à la question de la taille et du poids du volant d’inertie. Des systèmes peuvent accroitre la des moteurs, avec la rotation de cylindres de quelques kilos à des vitesses très élevées (60 000 tours minute). Appliqués surtout à la formule 1, ils permettent au pilote de disposer d’une puissance supplémentaire, par exemple en sortie de virage.
La régulation des réseaux électriques
Les volants d’inertie sont quelquefois utilisés pour maintenir la stabilité des réseaux électriques, en prévenant les chutes de tension. La ville de New York par exemple, s’est dotée d’une centrale de puissance modeste (20 MW), mais qui, grâce à 200 volants d’inertie, peut restituer en quelques secondes suffisamment d’énergie pour contribuer à maintenir une alimentation régulière du réseau.
Le même principe est utilisé à petite échelle, sur des marchés de niche, par exemple pour assurer la sûreté d’une salle d’opération d’hôpital ou d’une salle informatique. Si la coupure du réseau se prolonge, le stockage inertiel permet aussi d’attendre la mise en route d’autres moyens de production électrique plus puissants, par exemple un groupe électrogène .
Le « lissage » de l’énergie solaire et éolienne
Des applications ont été développées pour « lisser » les productions irrégulières des parcs éoliens ou solaires. Mais cela n’est possible que sur des durées limitées. Certains projets visent à coupler les panneaux photovoltaïques avec des « champs » de volants d’inertie, par exemple des masses de béton enterrées dans des fosses. Mais ils se sont heurtés jusqu’alors à des questions de faisabilité technique et surtout de coûts.
- L’appellation technique est « système inertiel de stockage d'énergie » (SISE).
- Voir le site de eacon Power - https://beaconpower.com/carbon-fiber-flywheels/
- La quantité d’énergie stockée est proportionnelle à la masse du rotor, au carré de sa vitesse de rotation et au carré de son rayon.