COP21 : les contributions nationales des États
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Les « contributions nationales » deviennent un nouvel outil dans l’arsenal de la lutte contre le . Les États seront incités à mettre à jour leurs objectifs tous les cinq ans, en allant toujours dans le sens d’une ambition accrue. Ils ont joué le jeu avant la COP21, reste à savoir s’ils poursuivront leurs efforts.
© THINKSTOCK - Tous les pays du monde ont été invités à présenter leurs objectifs en matière de lutte contre le réchauffement climatique.
L’une des innovations de la COP21 avait été de préparer le sommet en demandant à tous les pays d’indiquer par écrit leurs intentions sur les réductions d’émissions et les financements climatiques. C’est ce qu’on appelle les « contributions nationales » (INDC - Intended Nationally Determined Contributions). 186 États sur 195 y ont répondu.
Si elles sont contraignantes au niveau domestique, ces contributions ne le sont pas au niveau international, et ne pouvaient servir de base à l’Accord de Paris. Elles constituent néanmoins des éléments appelés à rester des documents de référence et à constituer un nouvel outil de travail à l’aune duquel les États seront jugés par leurs pairs. Le sommet de Paris a en effet appelé les États à les réactualiser tous les 5 ans, et une première réunion sera organisée dès 2018 pour confronter leurs contenus à la réalité du . Le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) publiera également à cette date une étude pour déterminer les conditions pour ne pas dépasser 1,5 °C de réchauffement. Les pays seront alors appelés à revoir leurs ambitions à la hausse, toujours sur la base du volontariat. Un premier bilan mondial aura lieu en 2023 et sera en principe renouvelé tous les 5 ans.
En effet, telles qu’elles sont aujourd’hui, les contributions des États ne sont pas suffisantes pour rester en dessous des 2 °C d’augmentation de la température moyenne globale en 2100. Par exemple, à l’horizon 2030, elles conduisent à l’émission de 55 gigatonnes de CO2 alors qu’il faudrait atteindre 40 gigatonnes. Certains experts considèrent qu’elles sont en ligne avec une augmentation de près de 3 °C en 2100.
Plusieurs associations de chercheurs permettent de suivre les contributions nationales, notamment le Climate Action Tracker (CAT)1 et le Climate Data Explorer2 du World Resources Institute (WRI)
Voici le résumé de quelques-unes de ces contributions.
Chine : réduction de 60 à 65 % d’émissions par unité de PIB d’ici 2030, par rapport aux niveaux de 2005, et prévision du pic de CO2 « au plus tard en 2030 ». La fixation d’objectifs non pas en valeur absolue mais en valeur relative par rapport au PIB prend en compte le fait que la Chine connaît encore une croissance forte, qui rend inévitable une progression de ses émissions.
États-Unis : réduction de 26 à 28 % de leurs émissions de gaz à (GES) d’ici 2025, par rapport à 2005. Le deuxième plus gros émetteur mondial de GES a pris une date de référence (2005) très postérieure à celle retenue par de nombreux pays (1990), ce qui amoindrit l’ambition affichée. Cette fixation d’un objectif est toutefois une nouveauté intéressante, les États-Unis ayant jusqu’à présent rejeté l’idée de contraintes chiffrées.
Union européenne : réduction d’« au moins 40 % » d’ici à 2030 par rapport à 1990. L’UE a en outre décidé de se fixer un mandat collectif pour la COP21, avec des objectifs à plus long terme : -50 % d'ici 2050 et une « neutralité carbone » en 2100. Elle avait d’abord envisagé -60 % tandis que certains États-membres, comme la Pologne, renâclent à fixer des objectifs trop précis. La Norvège a aligné ses objectifs sur ceux de l’UE ; il est à noter que certaines ONG estimant qu’elle aurait pu aller plus loin.
Russie : réduction de 25 à 30 % d’ici 2030 par rapport à 1990. Sa production industrielle – et donc ses émissions – s’étant effondrées après 1990 pour ne remonter que lentement, un tel objectif ne représente qu’une faible baisse de ses émissions actuelles. Le pays, qui pèse pour 5 % des émissions mondiales, compte atteindre cet objectif par une meilleure gestion de ses forêts, puits naturels de carbone. Le pays compte 25 % des ressources forestières mondiales, mais le calcul de la prise en compte de ces fait l’objet de contestations.
Canada : réduction de 30 % d’ici 2030 par rapport à 2005, ce qui équivaut à une baisse de 14 % par rapport à 1990. Son objectif inclut les puits de carbone forestiers et n’exclut pas dans ses calculs l’achat de crédits internationaux (liés à des opérations faisant baisser les émissions à l’étranger). Il est jugé insuffisant par de nombreuses ONG.
Japon : réduction des émissions de gaz à effet de serre de 26 % d’ici 2030, par rapport à 2013. La date de référence n’est pas prise au hasard : elle est postérieure à l’accident de Fukushima et correspond à une période où, en raison de l’arrêt du nucléaire, le Japon a accru ses importations d’énergies fossiles et donc émis beaucoup plus.
Australie : réduction de 26 % à 28 % d’ici 2030 par rapport à 2005. L’objectif a été jugé par de nombreuses ONG comme très peu ambitieux, compte tenu du fait que l’Australie est le premier pays émetteur de gaz à effet de serre par habitant et pourrait faire beaucoup mieux.
Inde : part de 40 % des (ENR) dans la production électrique à l’horizon 2030. L’objectif est ambitieux mais le pays ne fixe pas d’objectifs de réduction d’émissions dans l’attente d’en savoir plus sur les fonds que débloqueront les pays développés, indice du vif débat Nord-Sud sur cette question de responsabilité historique.
Brésil : objectif à l’horizon 2030 de 45 % d’énergies renouvelables dans la consommation d’énergie (notamment grâce aux biocarburants) et 87 % d’énergies renouvelables dans la production d’ (notamment grâce à l’hydroélectricité). Elle projette aussi la fin de la déforestation illégale dans le pays à l’horizon 2030.
Selon les ONG qui suivent les contributions, il y a quelques pays dont les objectifs sont jugés très satisfaisants, mais ils pèsent peu dans le bilan mondial des émissions : Costa Rica, Éthiopie, Maroc, Bhoutan …