Medellin : les transports et la mutation sociale
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La ville de Medellin, en Colombie, a été citée en exemple dans le monde pour sa politique de réduction des favellas, ces faubourgs très pauvres des grandes villes sud-américaines. Cette politique sociale réussie a eu pour originalité de placer les questions de transports en commun et d’environnement urbain au cœur des actions entreprises.
© SHUTTERSTOCK - Le téléphérique urbain de Medellin a permis de désenclaver les quartiers pauvres bâtis sur les collines.
Medellin (3,7 millions d’habitants) est la seconde ville de Colombie, après la capitale Bogota. Située à 1 500 mètres d’altitude, elle est bâtie dans une vaste cuvette naturelle, dont les versants très pentus sont occupés par les populations les plus pauvres. Ce phénomène de faubourgs défavorisés est très répandu sur le continent latino-américain, le plus urbanisé du monde. Il a été provoqué, à Medellin et ailleurs, par l’exode régulier des populations rurales vers les villes à partir des années 1950.
Pendant des années, les autorités de la ville ont négligé toute planification et les populations ont occupé les zones péri-urbaines « à l’horizontale », avec des habitations précaires, sans moyens de transports et sans services publics, créant des milliers d’hectares de favellas (selon le mot utilisé au Brésil) ou de barrios (en espagnol). Ces faubourgs sont devenus à Medellin des zones de non-droit, contrôlées par les cartels de la drogue, dont celui de Pablo Escobar, qui fut un des piliers du trafic mondial de la drogue.
À partir de 1995, les principaux cartels ont été démantelés et les diverses équipes municipales, quelle que soit leur couleur politique, ont engagé une politique de reconquête spatiale et de lutte contre la pauvreté, exprimée par le concept d’« urbanisme social ». Cet effort continu a été récompensé en 2013 par le prix de « la ville la plus novatrice », décerné par le Wall Street Journal et deux instituts d’urbanisme, devant New York et Tel Aviv. D’autres prix ont distingué Medellin, la plaçant sur le devant de la scène.
Le rôle clé des transports en commun
Les transports ont été essentiels au désenclavement des quartiers pauvres. La hauteur des dénivelés et l’enchevêtrement des constructions rendaient impossible le recours aux bus. Le choix s’est alors porté en 2003 sur un téléphérique, le Metrocable, semblable à ceux des stations de sports d‘hiver. Quatre lignes de télécabines1 ont été progressivement installées, permettant de transporter une moyenne de 70 000 passagers par jour, à une vitesse de 18 km/h. En outre, un escalator géant de près de 400 mètres, découpé en huit sections, permet de monter dans un des quartiers les plus élevés de la ville, Comuna 13, qui était l’un des plus dangereux en matière de sécurité.
Des connexions ont été assurées entre Metrocable et les autres modes de transports : le métro préexistant, un nouveau réseau d’autobus articulés pour avoir une plus grande capacité, et, inauguré fin 2015, un tramway sur pneus pour négocier des parcours en pente et avec virages serrés. Ces nouveaux transports sont considérés par la municipalité comme un outil d’inclusion sociale à l’égard d‘une population jusqu’alors coupée du reste de la ville.
Un deuxième axe a été de développer l’agriculture urbaine, pour améliorer la production alimentaire mais aussi recréer un minimum de racines rurales en secteur urbain. La municipalité s’est appuyée pour cela sur les réseaux associatifs. La Fondation Salva Terra par exemple a organisé pour des familles une soixantaine de potagers en périphérie de la ville. Celles-ci gardent une partie de la production et revendent le reste pour s’assurer un petit revenu. En parallèle, une politique de création d’espaces verts a été menée.
Dans le même temps, les municipalités successives ont engagé la construction d’immeubles de logements pour densifier l’urbanisme et le « verticaliser » pour éviter l’étalement des quartiers défavorisés. Un programme d’écoles, de bibliothèques publiques et de centres culturels pour jeunes a complété l’action municipale pour améliorer les conditions sociales.
Quoique centrée sur les transports en commun, la politique de rénovation urbaine de Medellin s’est accompagnée d’un phénomène spectaculaire : l’augmentation du nombre de véhicules à moteur, qui a doublé de 2005 à 2015, et notamment du parc de motos qui s’est accru de près de 300 % sur la même période.
Baptisée la « ville de l’éternel printemps » en raison de sa température moyenne qui varie de 18 à 28 °C tout au long de l’année, l’agglomération est devenue très polluée. La municipalité a introduit des mesures fréquentes de circulation alternée ou d’interdiction temporaire des véhicules. Mais le phénomène de smog est aggravé lors des phénomènes climatiques El Niño qui, en Colombie, provoquent à intervalles réguliers de fortes sécheresses.
Sources :