Chine : les grands équilibres énergétiques
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La Chine a connu des bouleversements spectaculaires depuis les années 1980. Partant d’une économie communiste fermée sur elle-même et en panne, le pays s’est ouvert à la mondialisation, a pris une place majeure dans les échanges avec toutes les régions du monde et est devenu une « super- » économique et géopolitique. Cette mutation a nécessité et nécessitera des besoins considérables en énergie.
© STR / AFP - L’hydroélectricité est l’un des points forts du mix énergétique chinois. Le pays continue de s’équiper. Ici, la construction d’un barrage sur le site de Baihetan, dans la province du Yunnan (sud-ouest de la Chine).
Maintenir la croissance, réduire les émissions de CO2
L’équilibre énergétique de la Chine doit répondre à deux exigences contradictoires : assurer une croissance qui reste supérieure à celle des autres grands pays, réduire les émissions de gaz à pour s’inscrire dans les accords internationaux sur le climat.
Malgré les incertitudes créées par la pandémie de la Covid-19, la croissance devrait être supérieure à 8 % en 2021, selon les estimations du Fonds monétaire international (contre 4,5 % pour l’Europe). Cela signifie une consommation énergétique qui va sans doute se poursuivre à un rythme annuel de +3 ou +4 %.
Dans le même temps, la Chine a fixé pour la première fois des objectifs climatiques réellement ambitieux : un « pic » des émissions avant 2030 et la neutralité carbone vers 2060 (l’Europe s’y est engagée d’ici 2050).
Cette situation fait que même si la Chine développe les , le nucléaire et la mobilité électrique à un rythme très rapide, elle ne peut encore infléchir la hausse des énergies fossiles, et notamment le charbon.
Le charbon toujours dominant
Le grand bond économique chinois s’est appuyé sur une source d’énergie dont le pays dispose en grandes quantités, à savoir le charbon. La Chine est non seulement le premier producteur mondial (elle dispose des 2e réserves du monde après celles des États-Unis), mais aussi le premier importateur, devant l’Inde. La part du charbon dans la production de l’ est de plus de 65 % (contre 1,8 % en France et 30 % aux États-Unis).
La Chine construit encore beaucoup de centrales à charbon, même si elles sont plus petites, plus performantes et … plus éloignées des villes pour réduire une pollution devenue dangereuse pour la santé des citadins.
Les énergies renouvelables
Le volontarisme de la Chine dans le recours aux énergies renouvelables ne peut être mis en doute. Selon le dernier rapport de l’AIE1, la Chine représente à elle seule la moitié des 280 GW (gigawatts) de nouvelles capacités d'énergie renouvelable mises en service en 2020.
L’immensité du pays et ses grandes capacités industrielles permettent à la Chine de développer de très grands parcs solaires et éoliens.
La Chine dispose en outre des plus grandes capacités mondiales d’ , symbolisées par la centrale hydro-électrique géante des « Trois gorges », mise en production entre 2006 et 2009, sur le fleuve Yangzi Jiang. Sa puissance est estimée à 22 500 MW (par comparaison, la plus grande centrale française, celle de Grand’Maison, atteint 1 800 MW).
Mais, comme dans tous les pays, la montée des énergies renouvelables, notamment celles qui sont intermittentes comme l’éolien et le solaire, ne peut pas être instantanée. La Chine estime à 20 % environ la part que les énergies non-fossiles (éolien, solaire, hydroélectricité, nucléaire) devraient atteindre d'ici 2025.
Le gaz et le pétrole
La Chine n’est pas un grand pays producteur d’hydrocarbures . Le pays est devenu le plus grand importateur de pétrole du monde. Le gaz ne représente qu’un peu plus de 5 % de la consommation totale d’énergie primaire du pays, mais ses importations s’accélèrent et la Chine deviendra dans les prochaines années un acteur décisif sur le marché mondial du GNL , le gaz naturel liquéfié.
Cette situation de dépendance aux hydrocarbures a une forte influence sur la géopolitique. La Chine renforce sa flotte militaire et investit dans beaucoup de « hubs » économiques mondiaux ; elle construit aussi beaucoup de liaisons terrestres et maritimes de transport avec l’Afrique, le Moyen-Orient et l’Europe (les « nouvelles routes de la soie ») pour assurer son approvisionnement et en même temps favoriser les débouchés de ses produits. Elle accroît ses achats de gaz avec l’Asie centrale et la Russie, afin de diversifier ses fournisseurs.
Le nucléaire
La Chine a engagé un plan de développement du nucléaire à long terme. Elle disposait fin 2019 de 47 réacteurs en exploitation, pour une de 49 gigawatts. Par comparaison, il y en en France 56 réacteurs en activité, pour une puissance de 61 GW. La Chine vise plus haut : une capacité installée de 150 à 200 GW à l’horizon 2030, soit environ la moitié du parc mondial actuel. Même avec de telles ambitions, le nucléaire ne devrait représenter que 6 ou 7 % de la production électrique totale (contre 4 % aujourd’hui).