Le Japon tourne peu à peu la page de Fukushima
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L’accident de la centrale de Fukushima en mars 2011 avait conduit le Japon à mettre à l’arrêt son parc nucléaire. Depuis, une dizaine de réacteurs ont été remis en marche et le Japon a adopté en 2023 un nouveau plan de relance de la filière, appuyé notamment sur les réacteurs du futur. Cela signifie-t-il que la page de Fukushima a été entièrement tournée ? Pas tout à fait : il faut gérer les éléments contaminés…
© AFP PHOTO - JIJI PRESS
Les suites de l’accident de Fukushima
Avant 2011, l’ assurait près d’un tiers de la production électrique du Japon, faisant de ce pays la troisième de nucléaire civil, après les États-Unis et la France. La filière nucléaire japonaise apparaissait alors comme l’une des plus fiables du monde.
L’accident de la centrale de Fukushima, en bord de mer, fut provoqué par une cause extérieure, à savoir le tsunami qui ravagea l’archipel nippon le 11 mars 2011. Un mur de protection trop bas laissa passer la vague qui noya les générateurs de secours et bloqua le système de refroidissement. Trois réacteurs entrèrent en fusion. Un large périmètre dût être neutralisé et reste encore inhabité.
Les 54 réacteurs du pays avaient été arrêtés. Pour compenser la perte de production d’ , le Japon avait renforcé les économies d’énergie, développé les mais surtout avait dû augmenter considérablement ses importations d’énergies fossiles (charbon, pétrole et gaz). Le résultat fut une électricité produite à 88 % par les énergies fossiles.
Cette situation a lourdement pesé sur l’économie et sur la facture d’électricité des ménages et des entreprises. En outre, les émissions de CO2 ont augmenté de 10 %.
La relance du nucléaire
A partir de 2015, le Japon a commencé à redémarrer sa filière nucléaire, après avoir renforcé les normes de sûreté et accru la consultation des populations locales. Au total, 33 réacteurs ont été jugés réutilisables et depuis août 2015, dix ont recommencé à produire.
La crise ukrainienne, qui a encore renchéri les coûts du gaz, a conduit le gouvernement japonais à engager en 2023 un nouveau programme énergétique favorable au nucléaire.
Deux axes ont été définis :
- permettre le fonctionnement des réacteurs existants au-delà de 60 ans, la durée maximale jusqu’alors retenue ;
- engager le renouvellement du parc avec la construction de réacteurs de troisième génération, un calendrier de développement pour les réacteurs de quatrième génération et les petits réacteurs modulaires (SMR). Voir l’article « les réacteurs nucléaires de demain ».
La page est-elle vraiment tournée ?
L’un des problèmes majeurs du nucléaire est le risque de contamination par des éléments radioactifs dangereux pour les organismes vivants et dont certains ont une durée de vie qui se compte en milliers d’années.
La question de la santé
A l’inverse de l’accident de en 1986, Fukushima a provoqué peu de pertes humaines. Si le tsunami est responsable de plus de 20 000 morts, les rayonnements radioactifs n’ont officiellement fait qu’un seul mort direct, atteint d’un cancer du poumon. Cinq personnes sont atteintes de cancers reconnus comme provoqués par l’accident. Mais l’ONU a recommandé de maintenir un suivi médical à long terme de la population exposée, notamment pour détecter des potentiels cancers de la thyroïde chez les jeunes de la région.
La question de l’eau contaminée
Un réacteur en fusion doit être refroidi et il a fallu depuis l’accident 1,3 million de tonnes d’eau qui sont stockées sur le site. L’espace étant arrivé à saturation, les responsables japonais ont commencé en 2023 à déverser l’eau dans la mer. Certes, l’eau a été décontaminée, mais il reste du tritium, de l’ donc constituant de la d’eau. La concentration est très faible, très en dessous des normes de l’eau potable, et l’ a donné son feu vert1.
Mais les pêcheurs japonais et sud-coréens s’inquiètent, de même que les autorités chinoises. L’AIEA va exercer une surveillance continue dans les 30 ans à venir.
La question des sols
Les experts japonais ont également procédé à une intense décontamination des sols, en enlevant la terre de surface sur 5 cm. Cela a produit 20 millions de mètres cubes de déchets et couté 24 milliards d’euros… Mais si la décontamination est efficace en plaine, elle est très difficile sur les pentes boisées qui entourent le site. Le risque d’une expansion par l’érosion et les eaux de ruissellement inquiète certaines associations environnementales2.