Transitions énergétiques, transitions sociétales
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De l ’Antiquité à nos jours, les sources d’énergie n’ont cessé de se diversifier. Ces évolutions se sont déroulées sur des temps longs, parfois des siècles et à des rythmes différents selon les régions du monde. Les transitions d’une énergie à l’autre n’ont jamais cessé. À chaque fois, elles ont profondément influé sur les sociétés humaines.
1. L’énergie des hommes…
La force musculaire de l’homme – quelquefois brutalement sollicitée - a été la première des énergies. L’esclavage a assuré l’érection des pyramides d’Egypte, l’exploitation des mines d’or et d’argent des conquistadores en Amérique du Sud, la culture des champs de coton du Sud des Etats-Unis, du caoutchouc de l’Afrique ou de l’Asie. La mécanisation a permis une lente transition vers une utilisation moins violente et la robotisation ouvre aujourd’hui une nouvelle ère. La moyenne d’un homme est estimée à 100 watts (contre 150 000 watts pour une locomotive en 1850).
2…et l’énergie des animaux
L’Homme a très tôt utilisé la force des chevaux et des bœufs, des buffles ou des éléphants. En Europe, les animaux de trait ont été indispensables à l’agriculture jusque dans les années 1960. Ils restent présents dans de nombreuses régions du monde, notamment en Asie et en Afrique. Sur la photo, un paysan birman, accompagné de son fils, prépare une rizière dans le village de Waw, à 130 kilomètres au nord-est de Rangoun (Yangon).
3. L’eau et le vent
Les courants des rivières et les flux de l’air ont été utilisés très tôt grâce aux moulins. À partir du Moyen-Âge, ils ont littéralement couvert les campagnes, pour moudre les grains, presser les olives, actionner des scies, alimenter des soufflets de forge. Il s’agissait de produire de l’ . Aujourd’hui, la force de l’eau et du vent produit directement de l’ . Les ingénieurs du xIxe siècle, comme Benoît Fourneyron, l’inventeur de la turbine, ont conçu des équipements dont les principes sont toujours en usage dans les usines hydroélectriques ou les éoliennes.
4. La machine à vapeur
Une longue série d’innovations technologiques aux xVIIe siècle (Denis Papin en France) et au xVIIIe (l’écossais James Watt ou Joseph Cugnot en France) débouchent sur la « machine à vapeur ». Utilisant le charbon, lui-même en plein essor, elle va être à la base de la première Révolution industrielle. Plus besoin de s’installer au bord d’une rivière ou en haut d’une colline… Les nouvelles machines sont utilisées dans les fabriques, dans les mines, puis dans les transports. Sur la photo, une des premières « locomotives », la « Locomotion n°1 » de George et Robert Stephenson, avec sa chaudière en bois et la trappe du foyer où l’on enfourne le charbon, contenu dans un petit wagon, le tender.
5. Le chemin de fer
La « Locomotion n°1 » des frères Stephenson assure en 1825 la première ligne de chemin de fer entre Stockton et Darlington, dans le comté de Durham, en Angleterre (voir gravure). C’est plus qu’un simple mode de transport. C’est le levier d’une révolution économique et sociale en Europe et en Amérique. Les briques et les matériaux de construction circulent, changeant les architectures traditionnelles. Les produits agricoles du sud remontent vers le nord, encourageant les monocultures. Les grandes migrations de main d’œuvre vers les villes s’accélèrent. Les mœurs s’uniformisent.
6. Le premier puits de pétrole
Le 27 août 1859, Edwin Drake, dit « colonel Drake » (même s’il ne l’était pas vraiment), fait jaillir du pétrole dans le champ d’Oil Creek, en Pennsylvanie. Il ouvre la voie à une exploitation à grande échelle des gisements souterrains. L’image ci-contre illustre l’évolution sur 30 ans des puits de pétrole qui couvrent peu à peu de vastes espaces américains. Utilisé d’abord comme huile d’éclairage, le pétrole donna naissance, au fur et à mesure de l’extension de ses utilisations, à une puissante industrie. Son intérêt stratégique apparut au moment de la guerre de 1914-1918 et son développement est devenu mondial, notamment au Moyen-Orient, à partir des années 1920. Il ne cessera depuis d’être un moteur de l’économie.
7. Une transition saluée par les baleines…
Le pétrole détrône l’huile de baleine. Deux ans après le premier puits de pétrole, l’industrie de l’huile de baleine est moribonde. Cette matière grasse servait de
pour les lampes à huile, de cire pour les bougies, d’excipient dans l’industrie chimique. Le gaz d’éclairage lui avait déjà porté un rude coup et dès 1817 les pêcheries anglaises avaient manifesté leur inquiétude. Le « pétrole lampant » et la
seront fatals à la pêche à la baleine. Sur cette caricature de 1861, des baleines en smokings et crinolines célè
l’apparition de l’or noir qui sauve leur espèce…
8. La longue histoire de l’électricité
Comme pour la machine à vapeur, une longue chaîne d’inventeurs domestique un nouveau vecteur énergétique, l’électricité : Benjamin Franklin, Alessandro Volta avec la pile électrique (1799), Ampère et Faraday pour le magnétisme (1820-1830). le Belge Zénobe Gramme (la dynamo, 1868), etc… En 1879, Thomas Edison présente les lampes à incandescence (photo).C’est aussi un grand industriel, qui dépose plus de 1 000 brevets et fonde la General Electric, encore aujourd’hui une des plus puissantes entreprises du monde. Illustration des longues transitions, les lampes à incandescence sont aujourd’hui interdites dans de nombreux pays au profit des LED, moins consommatrices d’énergie.
9. Les électrons en mouvement
Le Salon international de l'électricité de 1891 à Francfort, en Allemagne, inaugure la première ligne de transport de l’électricité sur une longue distance. Mesurant 176 km, constituée de 60 tonnes de fil de cuivre de 4 mm de diamètre, elle suivait le tracé du chemin de fer entre Francfort et Lauffen. Sur la photo, on voit la carte de la ligne affichée au mur derrière la génératrice du courant. Aujourd’hui, avec un réseau haute tension de 305 000 km qui s’étend sur 34 pays, le réseau électrique européen est devenu le plus interconnecté du monde. Comme le chemin de fer, l’électricité est un outil puissant du progrès des sociétés.
10. L’usine à gaz, un monument des faubourgs
Dès 1800, grâce à Philippe Lebon en France et Frédéric-Albert Winsor en Allemagne, on utilise le gaz, tiré d’abord du bois puis de la
. Les « becs de gaz » améliorent la sécurité des villes. Il sert aussi de combustible et même de
pour les moteurs. A partir de 1850, il est produit dans de grandes usines à gaz installées dans les faubourgs des villes. Sur la photo, l’usine de Narbonne, en 1885. Son adresse : « rue de l’Avenir »… Ce « gaz manufacturé » sera remplacé peu à peu à partir des années 1930 par le « gaz naturel », extrait des gisements souterrains.
11. Une idée grandissante : le bien-être
Pétrole, électricité et gaz de houille contribuent au développement industriel. Mais ils permettent aussi d’assurer un confort nouveau dans les maisons. Les publicités pour des poêles et des cuisinières modernes à gaz ou a kérosène apparaissent dans les journaux. Les maisons se branchent peu à peu aux réseaux d’électricité et de gaz, parallèlement à l’alimentation en eau courante et à l’installation du tout-à-l'égout. Des plaques le signalent sur les façades des immeubles, comme sur cette photo à Arcachon, dans le sud-ouest de la France. Il s’agit d’une révolution urbaine. Il faudra attendre les années 1950 pour que s’affirme l’idée d’un confort semblable dans les campagnes.
12. 1908, la voiture prête à devenir un mythe
On fait généralement remonter la naissance de l’automobile à 1886, quand Carl Benz dépose un brevet de moteur à 4 temps. Mais c’est le 27 septembre 1908 qu’apparaît vraiment le concept moderne de la « voiture », fabriquée en grande série et à des coûts qui la rendront accessible à de larges populations. La Ford T (photo) sort ce jour-là des ateliers d’Henry Ford, avenue Piquette à Détroit. Au-delà d’un moyen de transport, l’automobile va devenir un mythe et un symbole de la société de consommation. Le parc mondial compte aujourd’hui 1 milliard de véhicules particuliers.
13. L’énergie nucléaire maîtrisée
Le 2 décembre 1942, dans le sous-sol de la tribune ouest du stade de football américain de Stagg Field, à l’université de Chicago, Enrico Fermi, physicien d’origine italienne, réalise la première
contrôlée de fission d’un
. Cette pile atomique va déboucher en 1945 sur la première bombe atomique et quelques années plus tard sur l’utilisation civile de l’
. Sur la photo, Enrico Fermi (à droite) et son équipe dévoilent en 1947 une plaque commémorative sur le mur du stade. Le nucléaire civil va connaître un essor mondial après le premier
de 1973 mais sera freiné par les accidents de
(1986) et Fukushima (2011). Le nucléaire assure en 2017 un peu plus de 10 % de la production électrique mondiale.
14. La « houille blanche »
En 1869, l'ingénieur Aristide Bergès capte, via une conduite forcée, l’énergie d’une chute de 200 mètres dans les Alpes françaises pour alimenter une papeterie. Il invente le nom de « houille blanche ». L’ connaît son essor après la seconde guerre mondiale, en Europe, dans les grands pays en développement et dans le monde socialiste. Les barrages monumentaux, comme celui d’Assouan en Egypte, apparaissent comme le symbole de la maîtrise par l’homme des ressources naturelles. Leur construction pose souvent des problèmes environnementaux, aussi bien dans la forêt amazonienne que dans les vallées alpines… Sur la photo, une famille de fermiers pose dans l’étable avant que le village de Tignes ne soit englouti par les flots en 1952.
15. Le gaz deuxième génération
Dès les années 1930, l’Italie commence à exploiter les gisements de gaz méthane dans la vallée du Pô. Après la seconde guerre mondiale, ce gaz naturel supplante le gaz manufacturé produit à partir de la houille. Il ne cessera plus de se développer dans le monde entier, sur terre et en mer. Les techniques de permettent de le transporter d’un bout à l’autre de la planère. La photo montre le chargement de à bord du Al Gattara sur la jetée du port de Ras Laffan, au Qatar. De nombreux experts considèrent le gaz comme une énergie de transition entre un monde dominé par le pétrole et le charbon et le monde futur des . Une troisième époque pourrait s’ouvrir avec le , tiré de la et des déchets par .
16. La transition écologique
À partir des années 1970, une nouvelle préoccupation se fait jour : le de la planète. L’épuisement possible des ressources et l‘influence des activités humaines sur le sont des sujets débattus dans des cénacles d’experts et des sommets internationaux. L’objectif est de réduire les émissions de gaz à provoquées par la combustion d’énergies fossiles dont les réserves sont de toute façon limitées. En décembre 2015, un accord universel sur le climat est conclu à Paris, 18 ans après le premier « ». Chaque année, les pays du monde se réunissent pour en définir –souvent difficilement - les modalités d’application. Sur la photo, l’Arc de triomphe de Paris illuminé …en vert.
17. Les énergies renouvelables délocalisées
La réduction des émissions de gaz à effet de serre pousse à utiliser davantage la biomasse et à multiplier les installations éoliennes et solaires pour produire une énergie « renouvelable ». Outre de grands parcs, ces énergies – et tout particulièrement le solaire photovoltaïque - permettent de produire de l’électricité localement, qui vient compléter les réseaux centraux alimentés par les grandes unités thermiques ou hydrauliques. Des villages isolés peuvent accéder ainsi plus facilement à l’électricité. Sur la photo, assis sur son « charpoy », un paysan de Dhundi, à 90 km d’Ahmedabad (Inde), pose devant des panneaux solaires, utilisés notamment pour l’irrigation.
18. La révolution du « big data »
Toutes les évolutions énergétiques ont eu recours aux nouvelles technologies du numérique. Que ce soit dans les exploitations des gisements d’hydrocarbures, dans les centrales thermiques, dans le transport de l’électricité, dans le chauffage des maisons, dans les transports urbains, des milliards de données numériques – le « big data » - sont enregistrées et analysées. Leur utilisation permet une meilleure . Les citoyens se sont progressivement familiarisés avec ces nouvelles technologies grâce à leurs téléphones et tablettes portables. Sur la photo, un écran permet de régler d’un doigt l’éclairage et le chauffage dans toutes les pièces, sans compter le volume de la télévision et le suivi des systèmes d’alarme.